Le Maroc, porte de l’Afrique
titre de mon image Parti durant l’été dernier,Xavier Van der Stappen , ethnographe de terrain, a débuté la circumnavigation du continent africain à la rencontre des peuples qui vivent de la mer. Loin d’accumuler à tout prix les bornes, le voyage vise la rencontre des riverains de la Grande Bleue.

Des hommes et des femmes qui ont pour horizon l’étendue infinie de l’océan, à la fois intriguant et nourricier.
Parti pour longer les côtes marocaines, l’expédition a généré des dizaines de rencontres aussi enrichissantes les unes que les autres.

Ce voyage a également permis de dresser quelques constats sociaux et écologiques qu’il serait inconcevable de taire.

Une mer porteuse d’espoir
Une terre de marins
Des hommes face la mer
Un milieu fragile à préserver
Un kayak à la mer
A la force des bras
Navigation en mer
Un kayakafrika, c’est quoi ?

Une mer porteuse d’espoir

Au Maroc, il sont des milliers de candidats à tenter de rejoindre les côtes de l’Europe par tous les moyens.
Les titres à la Une des journaux tombent jour après jour, dramatiques. « 37 réfugiés d’Asie, notamment d’Irak, périssent en mer au large des Canaries ».

C’est dans ce contexte attristant que l’expédition démarre le long des côtes du Maroc. Les autorités sont tatillonne.
Non pas qu’ils craignent pour ma vie mais plutôt que le kayak disparaisse en cette saison où tout ce qui flotte offre une possibilité d’atteindre l’Europe. Les premiers jours, gendarmerie, police maritime et douane suivent le périple.

A l’approche des villes, leur attention s’estompe.
Au problème de la migration succède la réalité écologique d’un pays qui s’urbanise et s’industrialise rapidement. C’est le tout à l’égout ! Entre Kenitra et El Jadida, la côte est défigurée. Casablanca offre un visage d’apocalypse. Des kilomètres de béton. Le sable a été prélevé pour entrer dans la construction et les quartiers s’étendent à l’infini. Les plages quant à elles, accueillent des milliers de touristes marocains qui découvrent les joies de la mer. Les campings locaux où s’entassent les habitants des HLM, ressemblent à des camps de réfugiés.

L’Etat reste concerné et les campagnes de propreté se traduisent par de l’affichage à grand frais et des spots de sensibilisation à la télévision. L’impact est difficile à évaluer. A plusieurs kilomètres des côtes, j’ai la surprise de repêcher quantité de sacs plastique qui dérivent en mer. Mais qui suis-je pour juger les valeurs économiques que nous avons exportées vers le reste du monde ?

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Une terre de marins

Avec ses milliers de kilomètres de façade maritime, le Maroc possède l’un des littoraux les plus étendus d’Afrique. Depuis l’annexion du Sahara espagnol, cette bande côtière s’est considérablement étendue.

Deux tiers bordent le Sahara et le reste offre peu d’espace au cabotage. Entre falaises, hauts-fonds et plages battues par les vagues, le pays ne correspond pas vraiment au meilleur terrain d’exploration en kayak de mer. Le Maroc est réputé pour son intérieur : Marrakech, l’Atlas, les vallées, le désert… On connaît peu la côte, à part les baies d’Essaouira et d’Agadir.

Le « pays du couchant » possède une longue tradition maritime limitée aux côtes. Durant des siècles les pirates des villes de Salé et de Safi mettent en péril les expéditions européennes. Il faut attendre le 18e siècle pour voir l’établissement de comptoirs fortifiés portugais et espagnols sécurisant les voies maritimes.

Les citadelles, témoins de cette longue confrontation, sont là pour le rappeler. Leurs richesses architecturales proviennent de la découverte du Nouveau Monde.

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Des hommes face la mer

Au Maroc, le climat offre une fenêtre assez réduite à l’activité maritime. Les villages de pêcheurs se vident l’hiver. L’activité se concentre alors vers l’agriculture et l’élevage.

Dans certaines régions, les femmes apportent plus de rentrées que les hommes par la production d’huile de l’arganier. En été, quand la mer le permet, des hommes partent moissonner les hauts-fonds. Pour quelques euros, ils remplissent des barques d’algues.

Celles-ci sont destinées à l’exportation échappant à la transformation locale. Venus de la ville voisine pour gagner un peu d’argent, Lahcen, 15 ans, sort de l’eau après un quart d’heure passé à plus de 5 mètres de profondeur. Il perd du sang par le nez. Ravitaillé en air vicié par un vieux moteur crachant de l’huile, il reste visiblement groggy avant de s’étourdir en tirant sur un joint.

La barque tangue de plus belle remplie à ras bord de brindilles d’algues d’un rouge foncé. Impossible d’évaluer l’impact de cette activité sur le milieu par manque de données. Même chose pour la collecte effrénée de jeunes poulpes et de coquillages dans les rochers.

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Un milieu fragile à préserver

Le littoral africain reste fragile et l’impact de l’activité humaine difficilement quantifiable par manque de données étalées dans le temps.
Le changement climatique semble évident aux dires des pêcheurs ayant accumulé une connaissance empirique de la mer et de ses ressources.

Par exemple, l’échange de masse d’air entre la terre et la mer en été provoque de forts vents empêchant, pour quelques degrés de plus, la navigation. Par endroit, ce sont des kilomètres de rivages sur lesquels s’échouent les déchets des villes.

Les grottes marines en sont pleines. Les colonies de moules semblent également victimes d’un réchauffement. Les terminaux de phosphate tâchent le paysage sur des kilomètres.

La pêche industrielle en mer réduit le potentiel des pêcheurs du littoral. Dans le sud, on est loin d’atteindre une situation critique.

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Un kayak à la mer

Le kayak offre un bon moyen d’investigation. Il permet de longer les côtes au plus près et de partager le quotidien des communautés isolées de pêcheurs.

Dans un pays, où le moteur équipe la plupart des embarcations, pagayer reste un bon moyen d’échange et l’accueil est partout à la hauteur des attentes. La casse, il faut s’y attendre. Les départs et les arrivées sur la plage brisent à maintes reprises le gouvernail.

On atterrit sur des plages truffées de récifs masqués par l’écume. Parfois, il faut enchaîner 60 kilomètres de falaise n’offrant aucune possibilité d’accostage. Lorsque le brouillard masque la côte et que le bruit des vagues sur le sable et la roche n’invite pas à la prise de risques inconsidérée, on touche à l’inconnu.

Au ras de l’eau, on est beaucoup plus attentif aux éléments. Continuellement ballotté dans les vagues et couvert d’embruns, on ne peut être qu’humble face à ce que l’homme peut tuer mais pas maîtriser. La mer ne fait pas de cadeau.

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A la force des bras

On ne s’improvise malheureusement pas kayakiste au long cours du jour au lendemain. Bien souvent, sans préparation, après deux jours surviennent les premières douleurs aux bras. Une pointe taillade le coude préparant la tendinite. Après une semaine, on peut être totalement hors d’usage et devenir incapable de pagayer plus d’un quart d’heure.

Voyager en kayak de mer, c’est aussi prévoir des gestes qui ne peuvent être réguliers en raison de l’élément dans lequel on pagaie.
Mouvoir un kayak chargé à 300 kilos nécessite de penser comme un randonneur, voir un sherpa qui marche lentement ménageant ses jambes et assumant sa charge. Avant de reprendre la mer souvent froide, rien ne vaut un bon échauffement des muscles. Un bon moyen de préserver son moral est d’ajouter deux heures à tout trajet.

Cela empêche la déconfiture en fin de parcours. Et puis à l’arrivée, il faut encore prévoir de l’énergie pour tirer le kayak sur la plage, monter le camp, chercher le bois, photographier, filmer, vivre avec les gens qui eux aussi vivent très physiquement.

Et parfois, penser qu’une marée exceptionnelle nécessitera un portage de plusieurs centaines de mètres de nuit.

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Navigation en mer

Partir de la plage reste difficile car les rouleaux peuvent être puissants. Il faut donc maintenir l’avant du kayak perpendiculaire à la vague. Les courants assez forts jusqu’au bord empêchent parfois la manœuvre.

Les premières vagues peuvent être effrayantes mais, prises bien de face, le kayak chargé à toutes les chances de surmonter cet obstacle. A plusieurs kilomètres des côtes, il faut s’efforcer à penser à chaque instant que le pire peut arriver. On se retourne et là, plus moyen de monter à bord car le kayak resta plein d’eau à cause des vagues constantes.

Seul moyen d’éviter de passer des heures dans l’eau dans l’attente d’un hypothétique échouage sur la côte, je conseille de couvrir l’hiloire avec un cache souple et de vider progressivement à l’aide de la pompe de pont. On remonte alors l’un après l’autre à bord en assurant les appuis tout en continuant à vider le kayak.

En mer, il est souvent impossible de retirer sa jupe.
Une fois dans le kayak, il faut tout prévoir et le rendre le plus accessible possible en évitant les filins qui traînent au risque de s’y empêtrer.

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Un kayakafrika, c’est quoi ?

L’expédition s’est dotée d’un kayak de mer Belouga II en fibre de 6 mètres de long (gouvernail compris). Spécialement conçu par la société Plasmor installée dans le Golfe du Morbihan, un terrain d’expérimentation idéal (le golfe, la mer, les îles, le courant, le vent, les marées).

Ce kayak a été spécialement renforcé et le pont relevé de 3 cm pour augmenter le volume intérieur et donc la flottabilité et la capacité de chargement. Les caissons ont été équipés de trappes ovales plus larges. Une troisième trappe ronde et surélevée permet d’accéder au matériel de prise de vue. Le kayak est équipé de 2 voiles et d’un foc.

A l’aide de ces voiles, ce kayak permet de filer quand le vent est favorable mais attention au coups de vent en sortant des creux de vague. Les voiles se roulent et se logent sur le pont. L’accastillage utile pour le mener n’est pas encombrant.
Des filets et élastiques permettent de placer des bidons étanches et tout le matériel nécessaire sur le pont.

Les deux puits de dérives et les pieds de mats consolident l’ensemble. Avec une charge utile de 300 kilos, ce kayak tient la mer mais avec un tel poids, attention aux atterrissages accélérés dans les rouleaux ! Une bande d’échouage protège toute la carène, indispensable dans pareilles conditions, où la seule possibilité est de traîner le kayak sur le sable là où un chariot s’avère inopérant. Un gouvernail pour lutter contre les courants est certainement utile.

Le choix de la couleur blanche s’est avérée utile pour garder au frais le matériel de prise de vue. Une fois à terre, les voiles blanches plantées dans le sable offrent suffisamment d’ombre pour éviter la surchauffe.

Kayakafrika a donné naissance à une série limitée mise au point par Plasmor. Elle sera présent au Salon nautique de Paris en décembre 2004. Le kayak est également équipé d’une ancre flottante d’un encombrement très réduit. Ce système permet de se maintenir en mer sans trop dériver. Atterrir à l’aide de cet engin reste assez périlleux dans les rouleaux, qui ont alors tendance à passer sur le kayak plutôt qu’en dessous.

Nettoyage du pont garanti !

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